Microscopie de fluorescence au-delà de la limite de la diffraction pour la biologie

L’observation in vivo du fonctionnement de la machinerie cellulaire, jusqu’à la molécule unique, est un enjeu majeur en biologie pour élucider l’origine de différentes maladies. La microscopie de fluorescence reste l’outil privilégié pour ce suivi spécifique, mais la résolution accessible a longtemps été limitée par la diffraction (~200 nm latéral, ~600–700 nm axial). Depuis quinze ans, une véritable révolution a eu lieu grâce aux progrès conjugués du contrôle des fluorophores et de nouveaux concepts optiques permettant la localisation de molécules individuelles avec des précisions de quelques nanomètres. Le microscope devient ainsi un « nanoscope ». 

Cependant, l’amélioration de la résolution axiale reste un défi, en particulier pour obtenir une résolution 3D isotrope et imager en profondeur, dans des échantillons complexes comme les organoïdes ou les tissus. Nous avons développé des approches alternatives qui exploitent directement les informations intrinsèques émises par les fluorophores. La première utilise la fluorescence d’angle supercritique (SAF), générée par les fluorophores proches de l’interface verre-échantillon. Cette émission permet de mesurer la position axiale absolue des fluorophores et se révèle très adaptée à l’étude de processus comme l’adhésion ou la migration cellulaire. Pour l’imagerie en profondeur, nous avons conçu une stratégie de localisation fondée sur une signature temporelle. L’illumination homogène est remplacée par une excitation structurée en mouvement, qui induit une modulation temporelle du signal. La phase de cette modulation encode la position des fluorophores, permettant une localisation axiale uniforme avec une précision inférieure à 7 nm, même jusqu’à 40 µm de profondeur dans des sphéroïdes ou tissus. Nous évoquerons également les défis actuels du domaine comme l’observation à haut débit d’un grand nombre de protéines et le suivi dynamique d’échantillons vivants à l’échelle nanométrique.

Sandrine Lévêque-Fort

Directeur de recherche CNRS, Institut des Sciences Moléculaires d’Orsay

Sandrine Lévêque-Fort est directrice de recherche CNRS à l’Institut des Sciences Moléculaires d’Orsay. Après une thèse sur l’imagerie acousto-optique à l’ESPCI, elle réalise un post-doctorat sur la microscopie de fluorescence résolue en temps à l’Imperial College, puis rejoins le CNRS en 2001, où elle développe de nouvelles modalités de microscopie de fluorescence. En 2016, elle cofonde avec Nicolas Bourg (CTO), Jean-Baptiste Marie (CEO) et Emmanuel Fort, la société Abbelight qui propose un ensemble de solutions innovantes qui permettent d’utiliser la microscopie de fluorescence super-résolue pour observer de façon quantitative l’organisation cellulaire et ainsi mieux appréhender les mécanismes à l’origine de différentes maladies. Elle reçoit le prix Irène Joliot Curie-Femme entreprise en 2020 pour le transfert fructueux de ses travaux, et est nommée chevalier de l’ordre national du mérite en 2022. Elle est co-directrice du GDR ImaBio depuis 2017.